PHI-PHI


Histoire de la création de PHI-PHI

Gustave Quinson louait à Jean Peheu le Théâtre de l'Abri, en fait la cave d'un immeuble de six étages : en cas d'alerte, pas besoin de descendre à la cave, « on s'y trouvait déjà ».

Alice Cocéa débute dans cette première revue écrite avec Lucien Boyer mais Quinson venait de reprendre en plus le théâtre du Palais Royal et voulait une grande revue.

Et, Deo Gratias, il pousse Albert Willemetz à travailler avec Sacha Guitry, le plus célèbre nom du théâtre français, pour écrire ensemble cette revue !

Albert Willemetz retrouve Sacha Guitry, l'ami de son enfance, qui l'invite à Jumiège pour écrire cette revue. Albert y rencontre Octave Mirbeau et Claude Monet.

Charlotte Lysès vient d'admirer ,au Théâtre Antoine, une jeune artiste : « il faut la voir, nous dit-elle ».
Sacha et Albert s'y rendent le lendemain, découvrent Yvonne Printemps et gardent l'interprète ... et le titre phonétiquement ambigu « il faut l'avoir !».
La revue sera jouée par Raimu, Charlotte Lysès, Lamy, Marguerite Deval et Mondos.

Quinson a demandé à Sacha et Albert une nouvelle revue pour le Théâtre du Vaudeville qu'il dirige maintenant.

L'armistice qui s'approche laisse Quinson sans spectacle à l'Abri et ...chantage ! Si Albert ne fait pas un spectacle pour l'Abri, pas de Vaudeville.

Devant l'urgence, Albert ressort une « vieille » comédie écrite par lui sur des cahiers de classe qui existent toujours, trois petits actes : Phi-Phi.
Fabien Solar, directeur du Rire et de Fantasio, aurait conseillé à Albert de faire une fantaisie néo-grecque. Etait-elle déjà écrite ?
L'anecdote de la définition du Dictionnaire pour Phidias et pour Aspasie donnent la trame de la pièce mais Quinson trouve cela « un peu mince...pour étoffer, me dit-il, vous devriez mettre un peu de musique, ajoutez quelques couplets ».

Vive le télégraphe ! Albert écrit à Christiné : « Voulez-vous écrire partition opérette. Présence immédiate indispensable. »
Sans préciser que c'était pour le plus petit des théâtres de Quinson.
Réponse « ...je serai ravi de collaborer avec vous car je vous sais poète, ennemi des vieilles formules, plein de fantaisie et connaissant bien les goûts actuels du public. »

En quinze jours, partition achevée, les répétitions commencent avec Dréan, Urban, Pierrette Madd ­soeur de Jane Pierly - et Alice Cocéa, trois petits modèles et deux jolies danseuses dont Yvonne Valée .
Massard fut remplacé ­ vraiment pas de mémoire du tout ! - par Ferréal ­ recommandé par Dufrenne, directeur du Théâtre du Palais Royal - et l'orchestre est placé sous la direction de Berny.

Pas d'acteur très connu, surtout pas de dépense : Quinson prévoyant la fin de son bail n'a retenu Phi-Phi que comme un bouche-trou qui ne lui inspire pas une confiance totale car il demande à six directeurs amis de souscrire chacun dix mille francs pour la production !

Ils seront donc 7 à co-financer ce petit spectacle : Tribor, Brigon, Derval, Richmond, Alphonse Frank, Willy Fischer se joignent à Quinson pour limiter les risques.

Quinson y croit si peu que Donatien qui avait exécuté les costumes dessinés par Pol Rab voit sa note de 20.000 F échangée contre 2% sur la recette brute.

Dring ! Dring ! 9 heures trente ­ Quinson réveille Albert .
« - Que diriez-vous mon Cher Willemetz si au lieu de passer à l'Abri, je vous offrais de transporter votre petit truc aux Bouffes »
- Je dirai mon cher Quinson, que c'est de la pure folie, songez à la différence de cadre entre les deux théâtres, votre petit truc va danser .
- Tant mieux s'il danse ­ me répliqua Quinson avec sa verve méridionale - Au lieu des trois petits modèles, nous en mettrons huit. Au lieu d'un simple quatuor, je vous collerai douze musiciens dans la fosse avec une trompette et une grosse caisse.Croyez-moi, cela fera le compte. Mettez-vous au travail, nous passons dans deux semaines. »

Ce qui se passait, c'était que le spectacle prévu aux Bouffes Parisiens ne marchait pas et que Quinson ne savait pas quoi monter.

« On engagea des modèles supplémentaires . On tripla les dimensions pour les mesures des décors. On tailla des statues. On fit tout ce qu'on put pour mettre notre livret à l'échelle et la musique au diapason. »

« A la fin d'une répétition en face des Bouffes (Note : c'est un hôtel) , sur le trottoir (resic), je remettais à Christiné le dernier refrain des petits païens « ils font sous notre étreinte des bonds et même des pointes ».

« La veille de la générale de Phi-Phi, un duetto fut coupé. N'étant pas en situation, il faisait fatalement longueur ». Pour consoler les deux artistes, Willemetz leur dit : « ne pleurez pas, souriez, dans la vie faut pas s'en faire ! Tout ça s'arrangera ! »

« J'ai souvent entendu discuter de la date exacte de la création de PHI-PHI ? Certains affirment que la Générale a eu lieu le jour de l'Armistice. C'est une erreur, elle fut donnée, en Matinée, le mardi 12 Novembre 1918, c'est-à-dire le lendemain de l'Armistice. »

Albert Willemetz déjeune ce jour-là chez Christiné, Faubourg Saint-Martin et les deux hommes remontent ensemble les grands boulevards pavoisés aux couleurs de la victoire.

Dans la salle pour la création le tout-Paris : Anna de Noailles, Henri Bergson, Maurice Chevalier, Félix Mayol.. .

Henri Bergson envoya en remerciement son fameux ouvrage LE RIRE avec la dédicace « A Albert Willemetz qui, lui aussi, est un philosophe » et lui dédicacera de nombreux ouvrages et reverra Phi-Phi cinq ou six fois,

Excellent accueil mais suite difficile et péripéties dans un autre théâtre, retour et enfin succès jamais démenti de Phi-Phi.
Albert Willemetz disait que Phi-Phi était un bon exemple pour donner du courage à un jeune auteur : beaucoup de problèmes mais du succès à la fin.

A Nantes, seulement 4 ans après la création, le public réclame « le texte» qui est déjà un classique.

A la 900ème représentation, André URBAN était surmené ­ il n'y avait pas de repos hebdomadaire à l'époque - URBAN n'arrivait plus à se souvenir du texte et a fait rétablir le souffleur.

Le succès devient tel que des conférences sont demandées à Albert Willemetz sur Phi-Phi, comme au Palais des Beaux-Arts. Francis Ambrière demande même à Albert Willemetz de faire une conférence aux « Annales ». Ce qui a été fait le 15 décembre 1950.

Dans plusieurs textes et brouillons sur ce sujet, Albert Willemetz s'inquiète que Max Dearly doive (déjà) expliquer au public du Théâtre Mogador, avant la représentation d'Orphée aux Enfers, qui sont les personnages « Etant donné l'orientation nouvelle des programmes scolaires, pour divertir les générations futures il faudra, d'ici peu, je le crains ne plus faire allusion qu'à la mécanique, la physique, la chimie... Le rire comme l'esprit, deviendra mathématique et les plaisanteries ne passeront la rampe que lorsqu'elles seront assaisonnées au goût international. »

On perd il est vrai beaucoup du charme et de l'humour de Phi-Phi si on ne comprend pas ce qui est drôle en lisant :

Que Diogène est le « directeur de ... la Lanterne »
Prométhée, « directeur de ... l'Homme Enchaîné »
Périclès, directeur du ... Siècle »
Qui est le préfet de Persépolis...

« si toutes ses allusions sont perçues et soulignées par un auditoire, c'est indiscutablement qu'il en a compris le sens. »

« Lucien Guitry me dit : vous savez que je suis celui qui n'a pas vu Phi-Phi !
Le soir même, je l'emmène au théâtre. La salle était bondée, l'orchestre attaque l'ouverture et il se fit à ce moment-là un silence tellement impressionnant que Lucien Guitry se retournant vers moi et me dit avec un imperturbable sourire : "je comprends, c'est national ! "

Des menus phi-phiesques de dîners de 700èmes, 800 èmes...


La critique de Phi-Phi à la création en 1919 - ici -

Le scénario de Phi-Phi - ici